Sarkozy a profité du 14 juillet pour s'opposer encore à Chirac
Nicolas Sarkozy a profité du 14 juillet pour s'opposer une nouvelle fois au président Jacques Chirac, le ministre de l'Intérieur dénonçant l'"immobilisme" face à une "France qui gronde" alors que le chef de l'Etat préférait positiver et vanter les "atouts" du pays. M. Sarkozy, qui se sent manifestement en position de force depuis que M. Chirac lui a permis de retourner au gouvernement tout en conservant la présidence de l'UMP, n'a pas hésité à braver un président affaibli par les revers du référendum et des Jeux olympiques, et dont la cote de popularité reste au plus bas. Dès mardi, il a douté de "l'intérêt" de la traditionnelle interview télévisée du chef de l'Etat, lors d'un petit déjeuner de la majorité à Matignon. Jeudi, après une apparition d'une demi-heure à la garden-party de l'Elysée, M. Sarkozy est retourné à son ministère pour une réception réservée habituellement aux policiers, gendarmes et pompiers, mais cette année ouverte à certains journalistes. Dans un bref discours, prononcé quelques minutes avant que ne débute l'interview de M. Chirac, le ministre de l'Intérieur a implicitement critiqué l'action du chef de l'Etat. "A force d'immobilisme, à force d'user de la langue de bois, à force d'éluder la réalité des faits, à force d'esquiver les défis, eh bien, on l'a vu, la France gronde. J'essaie de l'entendre", a affirmé M. Sarkozy en référence à la victoire du non au référendum du 29 mai sur la Constitution européenne. Alors que les piques n'ont pas manqué ces dernières semaines, M. Chirac s'est abstenu de polémiquer avec son ministre d'Etat. "Il faut toujours lancer les débats", a dit le président après les multiples prises de position de M. Sarkozy (récidive, responsabilité des juges, discrimination positive, quotas d'immigration, modèle social français, Turquie). Interrogé sur son rappel à l'ordre du 14 juillet 2004, - "je décide, il exécute", M. Chirac a tempéré: "c'est la règle dans nos institutions: le président de la République prend un certain nombre de décisions, en concertation bien sûr avec le gouvernement, et le gouvernement les exécute". Il n'a pas non plus lancé d'avertissement à son ambitieux ministre concernant la course à l'Elysée en 2007. Ce sujet est "tout à fait prématuré", a-t-il jugé. Tu débarques Chichi, ça fait 1 an et demi que c'est le cas ! Alors que ses proches lui rendaient compte de l'interview présidentielle, qu'il n'a pas écoutée en direct, M. Sarkozy s'est levé pour une parodie de salut militaire: "l'essentiel, c'est que mon chef me trouve bien", ont relaté vendredi Libération et Le Figaro. Nicolas Sarkozy, tous les jeudis soirs au café de la gare dans son nouveau spectacle, 10 euros consommation comprise. Ces saillies n'ont pas amusé les fidèles de Jacques Chirac. C'est pas gagné pour le stand up on dirait, Nico ! "Ce n'est pas parce qu'on trépigne en répétant: + je veux être président, je veux être président, qu'on est élu", a ajouté un autre partisan du chef de l'Etat. Ah, pourtant ça a marché avec Chirac ? Enfin, dans le Monde : Il s'effondre sur un fauteuil dans la fraîcheur de son bureau. Trempée de sueur, sa chemise blanche lui colle au corps. "Ce n'est plus le même métier, souffle-t-il, j'arrête." Nicolas Sarkozy, qui n'est pas accompagné de son épouse Cécilia, vient de tester plus d'une heure durant sa popularité de star du rock ou du cinéma. Il feint de s'en désoler. A l'Elysée, il a signé les autographes à tour de bras et posé cent fois pour des photographes amateurs. "J'ai dû finalement battre en retraite." Il sait vraiment pas ce qu'il veut, pov bout d'chou. Il met en avant sa famille pour sa campagne puis se plaint lorsqu'on parle de ses ennuis conjugaux, et là il se plaint de quelques autographes... pov ch'tit père. Seuls 100 mètres séparent le palais présidentiel et la place Beauvau. Mais il explique encore qu'il a mis "une demi-heure !" à les parcourir tant il était arrêté par les badauds.
Pas de stand up, pas de sport non plus... non vraiment Nico, président y a que ça que tu sais faire. Sur la pelouse de son ministère, 2 000 invités l'ont photographié sous tous les angles. "Qu'est-ce que ce serait si on était en campagne...", ironise-t-il. On t'as dit pas d'humour Nico ! Quelques instants auparavant, sur le perron, place Beauvau, le ministre de l'intérieur vient de prononcer "son" allocution du 14 juillet devant un auditoire de policiers. "Je n'ai pas vocation à démonter tranquillement les serrures à Versailles pendant que la France gronde", lance-t-il dans une allusion à Louis XVI, sourd au tumulte de 1789. "Depuis vingt ans, à force d'immobilisme, à force d'user de la langue de bois, d'éluder la réalité des faits et d'esquiver les défis, la France gronde. (...) Je suis prêt à donner beaucoup. Les Français demandent de l'action, ils demandent que l'on bouscule les idées vieillies." Comme la démagogie, le populisme, le libéralisme ? C'est vrai, on y avait pas pensé... comparer Chirac à Louis XVI, c'est-à-dire à un chef d'état Français guillotiné par le peuple, c'est évidemment une nouvelle étape dans la guerre Chiraco-Sarkozy. Pour moins que ça, Jospin, en ayant vaguement ironisé sur l'âge de Chirac (mais juste avant les élections, là Sarkozy va pouvoir enterrer ça), a perdu une élection qui lui tendait les bras, mais la situation n'est pas la même : Chirac est haï, décridibilisé, fini, alors qu'il était populaire à l'époque, grâce notamment à la conjoncture de l'époque et l'image de son 1er ministre. Cependant, de 2 choses l'une : ou Chirac résiste bien, et ils font tous les 2 perdre la droite, et on est contents, mais ça c'est de la science-fiction ; ou bien Sarkozy enterre Chirac - malgré tout jamais aussi dangereux que lorsqu'il est à terre, et trahi - et là, on est dans la merde.
Aux journalistes, invités pour la première fois à cette garden-party, il lance: "Vous préférez me voir ici, plutôt que d'écouter le président ?" Ni l'un ni l'autre à priori !
LA TÉLÉVISION RESTE ÉTEINTE D'ailleurs, lui-même se soucie peu, veut-il faire croire, de l'intervention de Jacques Chirac qui vient de commencer. La télévision de son bureau reste ostensiblement éteinte. L'interroge-t-on sur ce que va bien pouvoir dire le président, il répond, sec et effronté : "Je ne suis pas son porte-parole." Mais le chef de l'Etat reste son obsession. Il l'attaque devant la presse. Oui, la tradition de l'intervention présidentielle le 14-Juillet est une "survivance inutile". Oui, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) doit être réformé : "Je ferai des propositions rapidement. Pas pour la Saint-Glinglin", lâche-t-il. Dommage, ça nous arrangerait. Réformé dans quel sens ? Supprimé, augmenté, baissé ? Quand je pense qu'à chaque élection les gens votent à gauche et qu'ils sont prêts à donner les clés du pays à cet individu, les bras m'en tombent.
Voici Brice Hortefeux, le ministre délégué aux collectivités territoriales ... et au service particulier de Sarkozy, la Voix de son Maître en somme.
, qui entre dans le bureau du ministre de l'intérieur. Lui a écouté le chef de l'Etat. Rapide débriefing. Conclusion de M. Sarkozy: "Je progresse dans le débat d'idées." Bien sûr ! J'allais le dire !
Le ministre de l'intérieur déroule enfin son programme d'été: une rencontre, lundi 25 juillet, avec le premier ministre espagnol, José Luis Zapatero ; une autre début août avec le président du conseil italien, Silvio Berlusconi, une troisième avec la candidate à la chancellerie des partis chrétien-démocrate et chrétien-social allemands, Angela Merkel, et enfin, début septembre, avec le premier ministre britannique, Tony Blair. Officiellement, il s'agit de préparer la convention de l'UMP du 22 septembre consacrée à une "nouvelle politique pour l'Europe". Chacun comprend qu'il souhaite profiter de la faiblesse du chef de l'Etat. Seul projet de vacances : un week-end prolongé en Corse autour du 22 juillet, avec ses amis acteurs. "Il y aura Christian Clavier, et peut-être Jean Reno. Si on peut, j'aimerais bien aller manger une pizza en Sardaigne..." Amis Indépendantistes Corses, pour une fois que vos plastiquages de villas seraient utiles, vous savez ce qu'il vous reste à faire : la politique et le cinéma vous en seront éternellement reconnaissants !
Philippe Ridet Article paru dans l'édition du 16.07.05 A très vite !
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à 19:13